Avec l'œuvre protéiforme Notes sur cette terre qui respire le feu (2017) présentée dans la grande salle de la Fonderie Darling, Marco Godinho plonge le visiteur dans l'univers spectaculaire et majestueux du volcan Etna en Sicile. Inspiré par une lecture de Georges Bataille qui relate l'intensité physique et émotionnelle de son ascension du volcan en 1937, Godinho a décidé en février 2017 de répéter ce périple ascensionnel pour y (re)trouver l'essence du récit biographique de Bataille.
Le titre de l’exposition Un feu permanent à l’intérieur de nous joue volontairement d’une référence plus vaste que celle de l’oeuvre unique présentée dans l’exposition de la Fonderie Darling. En choisissant un titre différent Godinho inscrit cette exposition dans des considérations plus universelles, au-delà de l’échelle des oeuvres et de l’espace d’exposition. Le feu — à la fois lumière et chaleur, mort et destruction — énoncé dans le titre renvoie certes au volcan et à son coeur de feu, mais on peut également y lire une évocation des pulsions primaires qui servent de moteur à l’être humain, et de fait à l’artiste, dans son exploration quotidienne du monde.
L'œuvre de Godinho est rempli de marches conceptuelles solitaires et d'explorations de territoires les plus diverses : des zones frontières, des limites géopolitiques, des lieux symboliques. Cette initiative ambitieuse et audacieuse s'inscrit donc dans une suite logique des intérêts de l'artiste pour les expériences qui cherchent à transposer des idées philosophiques ou géopolitiques en expériences physiques pour en soustraire l'essence et l'authenticité. Plus qu'un remake de l'expérience bataillienne, l'ascension de l'Etna à laquelle s'adonne Godinho prend ainsi des airs de voyage initiatique accompagné d'une quête de réalité brute et de danger incontestable.
Marco Godinho arpente inlassablement les limites du monde qu’il côtoie. Ce faisant, il revendique un certain nomadisme, questionnant son appartenance à un espace défini et revendiquant son droit à ne pas se sédentariser. Au même titre que les frontières sont pour lui des tracés abstraits qui dessinent un espace fictionnel à déconstruire et à repenser, le langage communément utilisé pour définir une (non-)appartenance peut être remis en question par une juxtaposition ou altération conceptuelle, voire par un déplacement contextuel. Son oeuvre se déploie en une quête permanente de nouvelles définitions et de remise en question des conceptions supposément acquises de notre société.
Extraits d'un texte de Kevin Muhlen
Marco Godinho
Né en 1978 à Salvaterra de Magos au Portugal, Marco Godinho partage sa vie entre Paris et le Luxembourg. Dans un esprit conceptualiste, il s’intéresse à la perception subjective du temps et de l’espace par un questionnement sur les notions d’errance, d’exil, d’expérience, de mémoire et de temps vécu. De 2000 à 2005, il suit des études à l’École Nationale Supérieure d’Art de Nancy (France), à l’École Cantonale d’Arts de Lausanne (Suisse) et à la Kunstakademie et Fachhochschule de Düsseldorf (Allemagne). Entre 2005 et 2006, il termine un post-diplôme à l’Atelier National de Recherche Typographique à Nancy. Depuis 2006, il a réalisé plusieurs expositions individuelles, notamment au Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain (2013), à Faux Mouvement – Centre d’art contemporain en France (2013), au Neuer Kunstverein Aschaffenburg en Allemagne (2012), à l’Espace pour l’art à Arles en France (2012), au Mois de la Photo à Montréal au Canada (2011), à l’Instituto de Camões au Luxembourg (2008, 2011), au Centre d’arts plastiques et visuels de Lille en France (2009), à la Chaudronnerie – FRAC Champagne-Ardenne à Reims (2007), ainsi qu’à la Galerie Art Attitude Hervé Bize à Nancy, qui le représente (2007, 2009, 2012). En 2019, Marco Godinho représentera le Luxembourg à la 58e Biennale de Venise.
Commissaire
Kevin Muhlen