Le présent texte, souhaitais-je, ne prétendrait pas distribuer l’identité petit à petit, nom après nom, à la créature que nous avons ici, qu’est l’exposition. La question qui se présentait d’emblée était celle de savoir quoi faire sans cette sorte de texte, si l’on excepte savourer cette absence en guise de compensation. Je me tourne donc, et ce n’est pas la première fois, vers la chose que je connais qui peut avancer et demeurer présente simultanément —c’est il y a trois ans environ que je suis tombée sur cette plante à Vancouver, où elle poussait dans un buisson sous un lampadaire, que j’ai placé sa tige entre mes paumes et que je les ai frottées ensemble.
Pisi pisi, c’est ainsi qu’on l’appelle, par allusion au son employé en turc pour appeler les chats. Je lui ai souvent volé des choses depuis lors; chaque fois, après avoir amené une formalisation par ses effets, elle s’est faufilée hors de mes poches, les laissant vides. C’est ainsi que pisi pisi entre à nouveau dans le portrait, le portrait qu’est la galerie et la table et la feuille de papier de format lettre; il n’est pas vrai qu’au nom de la prolifération, vous et moi nous puissions épuiser les possibilités qu’elle offre, car il n’y en a pas au départ dans le champ entourant la rencontre, seulement des indéterminations.
C’est donc la rencontre qui génère les effets contradictoires des œuvres de l’exposition, la contradiction n’étant pas due à l’ambiguïté d’une soi-disant méthodologie, ni à l’ironie (qui saute d’une prétendue vision du monde à une autre et retour en deux élégantes enjambées), mais bien à l’état même de « rencontre », capable d’accommoder aussi bien l’absorption en soi-même que l’engagement dans le monde à l’intérieur d’une seule et même expérience humaine unitaire, si maladroite soit-elle.
Texte de Damla Tamer
Damla Tamer
Née à Istanbul (Turquie), vit à Vancouver, BC. Damla Tamer a reçu son MFA en Beaux-Arts de l’Université de
Colombie-Britanique en 2011. Elle enseigne à l’UBC ainsi qu’à la Emily Carr University of Art and Design.