Une nouvelle installation de Jennifer Stillwell
Lors de son passage à Montréal en automne 2006, l'artiste de Winnipeg Jennifer Stillwell fut impressionnée par les chantiers de construction de la rue McGill sur le chemin menant à la Fonderie Darling. De nombreux obstacles rendaient l'accès des piétons difficile : se déplacer dans ce désordre ambiant devenait une expérience en soi, rappelant certaines œuvres conceptuelles basées sur la participation physique du spectateur.
Inspirée par ce site chaotique, l'artiste présente dans la grande salle de la Fonderie Darling une réflexion sur les notions d'espaces, de temps et d'échelle architecturale. À partir de ces paramètres, elle réalise une œuvre composée de gravelle, de petits paniers de plastiques verts et d'une structure métallique. Ces matériaux liés à la production industrielle sont ici transformés, détournés et participent à reconfigurer l'espace d'exposition: leur juxtaposition engendre un contraste visuel entre le caractère brut de la pierre et la souplesse des matières plastiques.
Chantier : le temps comme composante
Au premier abord, l'installation prend l'apparence d'un chantier de construction, rappelant l'esthétique du Land art, tel un paysage abstrait qui se déploie dans le temps et qui fait corps avec l'espace d'exposition. Stillwell développe une proposition artistique échelonnée sur un long processus. Procédant par essai et tâtonnement, l'artiste organise et fait converser les divers éléments.
La gravelle prend la forme d'un amoncellement, puis de petits monticules, et d'une lisière disposée légèrement en dénivellation. Remplis de cailloux, des paniers superposés et accolés forment des motifs sur le sol et figurent une maquette de tours d'habitation ou une série de composantes informatiques. Pendant plusieurs jours, l'artiste s'est concentrée à disposer la gravelle et à la traiter en procédant par tamisage. Cette organisation rigoureuse évoque un travail à la chaîne, et ainsi fait référence au passé industriel de la Fonderie Darling.
La structure de câbles de métal est laissée lâche, venant contredire sa fonction porteuse propre à son utilisation architecturale. Cette forme molle, captant la lumière, dessine au sol des tracés éphémères.
L'artiste intègre dans ses installations un élément performatif et documentaire par l'enregistrement vidéographique des étapes de production. Deux moniteurs présentent au cours de l'exposition un montage des différentes phases menant à l'élaboration du projet final, une façon de dévoiler et démystifier le geste de l'artiste et des petits moments de l'atmosphère de travail.
Cette œuvre à la lecture multiple aborde la salle d'exposition dans ses dimensions spatiales et temporelles en imbriquant paysage brut et architecture. Le visiteur se promène autour d'un chantier organisé où les composantes se complètent et se répondent par les contrastes de leurs qualités matérielles : souplesse et rigidité, pérennité et éphémèrité.
Esther Bourdages
en collaboration avec Fanny Franceschi
L'artiste remercie tous les bénévoles.
Jennifer Stillwell
Jennifer Stillwell est née en 1972 à Winnipeg au Canada. Elle est diplomée de la School of the Art Institute of Chicago et de l'Université du Manitoba à Winnipeg.