Jean-Pierre Aubé conçoit son travail artistique comme une recherche, un processus de création proche de la démarche d'un scientifique. Inspirées par son environnement, ses œuvres se basent sur des phénomènes naturels combinés à des manipulations artificielles. Elles prennent alors la forme d'objets fonctionnels nomades, qu'il fabrique et permettent d'appréhender un lieu par l'expérience. Surnommées «récupérateurs de phénomènes», elles livrent un message poétique, tant prometteur qu'alarmiste, sur la fragilité de notre écosystème et l'emprise de l'homme sur celui-ci.
En 1998, Jean-Pierre Aubé présentait à Quartier Éphémère Sédimentation. Un mécanisme filtrait alors l'eau souillée de l'historique petite rivière Saint-Pierre et réalimentait en eau pure l'aquarium aux poissons rouges. Par le fait d'exhumer la rivière et de la purifier, il révélait la pollution de cette source naturelle qui délimitait, vers les années 1600, les premières fortifications de Montréal. En 1999, avec Prélude à l'isolation, c'est une éolienne que l'artiste est allé planter sur l'île aux Lièvres. L'énergie qu'elle avait accumulé in situ servait à réactiver dans la galerie Dare-Dare cette même éolienne, reconditionnée à l'espace et tournoyant irraisonnablement.
Dorénavant, Jean-Pierre Aubé s'intéresse aux ondes de très basses fréquences que l'on retrouve à l'état brut dans la nature, ou générées par l'homme aux travers de différentes technologies. Plus connues sous le nom de VLF (Very Low Frequencies), ces ondes permettent de capter les sons de phénomènes troublant le champ magnétique de la terre. La dimension sonore et la haute technologie sont alors introduites dans ses œuvres. En Finlande, en 2002-2003, à des kilomètres de toutes perturbations, il décrypte et enregistre l'environnement magnétique des aurores boréales (VLF.Finlande). Save the Waves, présentée à la Fonderie Darling, s'alimente de la tension des ondes magnétiques dégagées par le transformateur hydro-électrique à proximité, alors que Nocturne bat au rythme des ondes dégagées par le phare de Brest à Passerelle.
Par la teneur de son travail nomade, qui favorise l'expérimentation par le déplacement, Jean-Pierre Aubé a un profil idéal pour profiter pleinement des résidences d'artistes à l'étranger. C'est pourquoi Quartier Éphémère l'accompagne depuis 2002 en France où il a effectué une première résidence à Mains d'Œuvres (Saint-Ouen, France), suivi d'une performance, puis une deuxième à Passerelle (Brest, France), après laquelle Nocturne fût présentée.
Par le biais de résidences, d'expositions ainsi que de cette édition, la Fonderie Darling (Montréal, Canada) s'est associée à Mains d'Œuvres puis à Passerelle, pour la production et la diffusion de l'œuvre de Jean-Pierre Aubé. Ce premier catalogue reflète 10 riches années de création et s'appuie d'un substantiel et poétique texte critique d'André-L. Paré.
19h