Cette exposition, dont le titre fait référence à un texte de Robert Morris paru dans Art Forum en 1970, présente un ensemble d’œuvres qui procède à une démystification de l’activité de l’artiste et de ses lieux de travail. Elle met en scène Klaus Scherübel dans le rôle du protagoniste et cela, dans le but d’offrir un portrait de l’artiste au travail délesté du poids de son image historique et d’interroger de manière autoréflexive la nature de son activité.
La représentation de l’artiste au travail constitue un véritable genre que l’on peut retracer dans l’histoire de la peinture et de la photographie puis dans les pratiques conceptuelles. Il a aussi figuré dans les publicités annonçant une exposition à venir, ou bien il a illustré les reportages portant sur les modus operandi des artistes, comme l’a fait Hans Namuth en montrant pour la première fois Jackson Pollock dans l’exercice de sa célèbre méthode. Le plus souvent ces reportages montrent les artistes dans leur atelier, un lieu de création où l’artiste a cherché un contexte propice à la réflexion, à l’inspiration, à la conception. Les artistes y sont souvent montrés dans l’action de la production et presque toujours solitaires. Cette question de déterminer où se fait le travail de l’artiste a préoccupé Rosalind Krauss, qui a constaté qu’elle est devenue de plus en plus problématique avec l’éclatement des manières de faire de l’art moderne. Comment en effet localiser le travail des artistes qui ne produisent pas forcément d’œuvres en atelier mais s’adaptent au lieu dans lequel on leur a demandé de réaliser une œuvre? Comment localiser également le travail d’artistes qui œuvrent dans des domaines conceptuels où la production d’œuvres ne relève pas toujours d’objets matériels, où elle consiste souvent à rendre visible un processus? La pensée et la réflexion, essentielles à la production de toute œuvre, peuvent aussi prendre place ailleurs que dans l’atelier.
Ce sont ces questions que Klaus Scherübel investigue depuis 1996. La série Sans titre (L’artiste au travail) et le diptyque vidéographique Studio Work convoquent les activités d’un artiste qui tient pour conceptuellement signifiantes les occupations et les expériences qui ponctuent son quotidien. Les Studio Doors de Scherübel — en référence à la célèbre porte carbonisée de Joseph Beuys — visent quant à elles à vider de sa charge mythologique le lieu de travail de l’artiste. Ces œuvres renvoient à une activité ou à un lieu banal mais non moins significatif tout en superposant la double signification du mot « travail » : à la fois objet et processus. Une stratégie qui vise à « rendre visible » un artiste conceptuel dans « l’action » de sa production.
Cette exposition est présentée avec le soutien du Conseil des Arts et des Lettres du Québec et le Ministerium für Unterricht Kunst und Kultur, Autriche.
Klaus Scherübel
Klaus Scherübel est né à Bruck an der Mur en Autriche en 1968. Il vit et travaille à Montréal, Canada.