Commissaire: Esther Bourdages
L'artiste français Dominique Blais présente une vidéo d'art qui met en scène le musicien improvisateur montréalais Gordon Allen. Sur 26 minutes, Transposition (Variations) se concentre sur le jeu unique de ce trompettiste; ici l’instrumentation, la gestuelle, l’interprétation, la performance, le rythme, le son, le silence, la respiration sont des éléments démystifiés au travers du prisme de la caméra. La trame narrative est calquée sur l'improvisation enregistrée en direct.
Les oeuvres vidéos de Blais font souvent état d'un entrelacement entre l’audible et le visuel où l’image en mouvement dialogue avec le dispositif sonore. Il s’intéresse à détourner et évoquer subtilement plusieurs strates qui constituent l'objet issu de la culture populaire, plus particulièrement celui appartenant à l'univers de la musique.
Dominique Blais justifie en ces termes les premières motivations de Transposition (Variations) : « Le choix d’une collaboration avec un trompettiste vient dans un premier temps de l’instrument, qui permet de jouer sur une large gamme de sonorités avec un nombre limité de clefs. Le design de l’instrument m’intéresse pour des raisons d’ordre sculptural et plastique. L’appropriation de ce cuivre par Gordon Allen a par ailleurs déterminé mon choix. Le titre de la pièce découle d’un aspect spécifique des cuivres qui transposent la tonalité des notes écrites lorsqu’elles sont jouées. »
Dès l’entrée dans la galerie, le faisceau lumineux du projecteur qui traverse la salle annonce le médium. À première vue, les images du musicien ne restituent pas le son comme on l’attendrait: le film paraît muet puisque l’image et le son se trouvent dissociés dans l’espace. Il s’agit de sortir du schéma traditionnel de projection des films, où les enceintes sont placées en façade pour simuler l’origine du son. Trois structures cylindriques au-dessus desquelles est suspendu un ensemble de tubes, reprenant les caractéristiques d’un luminaire dont les ampoules sont remplacées par des modules de sonorisation directionnels, servent de support de diffusion pour la bande originale du film. La musique, audible sous ceux-ci, couvre un cercle restreint.
Bien qu’il réfère au portrait et au documentaire, il faut envisager Transposition (Variations) comme un film d’art qui possède une lenteur méditative. Le théoricien et commissaire Raymond Bellour1 remarque que les films et vidéos d’art des dernières années empruntent aux Frères Lumière le fait de développer très peu d’événements, comme les ouvriers qui sortent des usines, l’arrivée et le départ d’un train. Pensons aux films de Mark Lewis tels que Smithfield qui échelonne sur quatre minutes une ménagère qui nettoie le plancher. Transposition (Variations) déploie sur plusieurs juxtapositions de plan-séquences une unique action, un joueur de trompette intensément absorbé dans son jeu. Filmé dans un décor épuré en plan serré, Allen est plongé dans un éclairage ténu qui détache sa silhouette de l’espace physique. Cette concentration sur le sujet n’est pas sans rappeler certains portraits du XVIIIe siècle.
1 Né à Lyon en 1939 Raymond Bellour est un écrivain, critique et théoricien français, principalement connu pour ses essais au sujet du cinéma.
Coproduction Vidéographe Inc.
Merci à la Mairie de la Ville de Paris et au Consulat général de France à Montréal
Dominique Blais
Né en 1974 à Châteaubriand, France. Vit et travaille à Paris, France.