Sandra Mujinga

Avec le corpus sculptural Nocturnal Kinship et l’installation vidéo Disruptive Pattern, Mujinga élabore un univers tactile habité par des êtres zoomorphes. L’artiste marie les textures, conjuguant la malléabilité de l’épiderme et du textile à la transparence médusaire de l’image pour créer des entités mi-humaines mi-animales. Dissimulés sous une tenue sombre à capuchon, les personnages géants de Nocturnal Kinship arborent des extensions évoquant les tentacules d’une pieuvre ou la trompe d’un éléphant. À l’inverse, les silhouettes translucides qui se meuvent sur l’écran dans les vidéos de Disruptive Pattern se jouent du visible, s’effaçant au contact de la lumière à l’instar du calmar de verre. Les œuvres se réfèrent aux stratégies de survie développées par certains animaux, notamment le poulpe et l’éléphant, respectivement reconnus pour l’homochromie – un type de camouflage imitant les couleurs de l’environnement – et les comportements nocturnes permettant d’échapper au braconnage. Les sculptures mettent en tension la présence du corps et la vision à travers la notion d’invisibilité, envisagée comme mode de survie et levier conceptuel pour les personnes marginalisées. Alors que le hoodie se retrouve au cœur du profilage racial qui marque l’actualité, les costumes et les peaux deviennent ici symboles de protestation envers la violence et la discrimination, complexifiant ainsi le fait de se camoufler et de se fondre dans le paysage. Avec Nocturnal Kinship et Disruptive Pattern, l’artiste allie afrofuturisme et posthumanisme dans une négociation critique des politiques de la visibilité, exposant l’aliénation et l’agentivité qui peuvent en découler. Les figures hybrides de Mujinga nous invitent à imaginer un devenir-ensemble inspiré de la fiction spéculative noire et des études antispécistes, évoquant l’effacement du céphalopode, la translucidité du calmar ou la callosité de l’éléphant pour envisager le corps comme liant privilégié de nos rapports au monde.

Biographie

Sandra Mujinga (née à Goma, République démocratique du Congo ; vit à Berlin, Allemagne, et à Oslo, Norvège) se penche sur les enjeux liés à l’identité en s’attardant aux politiques de visibilité et de représentation, plus que jamais modulées par des questions de surveillance et de contrôle. À travers une pratique multidisciplinaire guidée par le féminisme intersectionnel et les approches décoloniales, l’artiste et musicienne joue avec les mécanismes d’observation et de dissimulation en s’inspirant des technologies numériques et du monde animal pour examiner la notion de présence et le potentiel politique de son contraire : l’absence.