Dans la foulée d'une rétrospective en 2019 à la Vancouver Art Gallery, Vikky Alexander propose avec l’exposition Nordic Rock une installation précieuse et chargée de fantasmes, qui contraste avec la salle brute et imposante de la Fonderie Darling.
Cet écrin industriel abrite de fragiles sculptures représentant de façon très stylisée des éléments de mobilier de design intérieur, tels un lit, une chaise, un banc. Fabriquées à partir de verre dichroïque, dont la matière irisée reflète la lumière en un spectre de couleur, ces sculptures minimales d'une délicatesse extrême sont présentées sur des piédestaux, sorte d’îlots disposés dans l’espace visant à renforcer leur inaccessibilité. À la manière de bijoux ou de pierres précieuses, captant et renvoyant la lumière, ces objets dysfonctionnels, qui ont pour but de séduire et de stimuler le désir, attirent autant qu'ils figent le regardeur. Leur surface, à la fois miroitante et transparente, joue subtilement avec la patine et l'architecture du bâtiment patrimonial. Paroxysme du luxe, ces œuvres tendent à révéler l'extrême tension entre un ancien quartier ouvrier et le massif développement immobilier actuel, destiné à une population de bien nantis.
Autres éléments structurant de l’exposition, deux imposantes murales disposées en quinconce et réalisées en vinyle à partir de collages photographiques se déploient en vis-à-vis, sur la pleine hauteur de deux pans de murs. Composées d'images glanées dans les revues, ces dernières associent par la technique du collage, autant des vues de paysages dramatiques ou sublimés que des plans rapprochés de textures, simulations de matières organiques ou végétales.
Par ces immenses fenêtres qui ouvrent sur des horizons fantasmés, par ces distorsions d'échelle et par ces jeux de faux-semblants, l’artiste souligne les stratégies d'appropriation et de substitution de la nature utilisées en marketing dans les marchés de l'immobilier et de la décoration intérieure. Elle pose également la question d'auteur par la réappropriation et la recontextualisation des images.
Vikky Alexander est une artiste conceptuelle qui questionne dans son travail la culture de consommation et ses fantasmes. Ses œuvres se démarquent par leur capacité à interroger le monde de l'illusion et des désirs matériels en faisant usage du langage de l'architecture et du design, empruntant à l’imagerie des luxueux magazines de mode et de design pour engager le sujet du désir, de la marchandise et la façon dont la société nous projette dans ces environnements irréels. Par le biais d’interventions minimalistes réalisées en photographie et en sculpture, usant de stratégies déclencheuses de pulsions, l’artiste joue avec les matières réfléchissantes et les illusions optiques.
Caroline Andrieux
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L'exposition bénéficie d'une généreuse commandite de NumérArt.
Vikky Alexander
Après avoir complété un BFA au Nova Scotia College of Art and Design (NSCAD), Vikky Alexander débute sa carrière à New York au début des années 1980, travaillant dans un contexte des plus stimulants. Par la suite, dans les années 1990, Vikky Alexander est revenue au Canada, pour enseigner à L’University of Victoria, à Vancouver. En 1995, elle a participé au Canada Council Paris Studio Residency, et en 2009 à la résidence La Cité internationale des arts, à Paris.
Au cours de sa carrière, Vikky Alexander a exposé son travail à l’international et dans les plus grandes institutions new-yorkaises, notamment au New Museum (1985), à la Dia Art Foundation (1988) et au Whitney Museum of American Art (1989). En 2018, elle a présenté Vikky Alexander : The Spoils of the Park au Canada House, à Londres. L’an dernier, la Vancouver Art Gallery a présenté Extreme Beauty, la première exposition rétrospective de son travail. Artiste canadienne acclamée à l’international, Vikky Alexander vit et travaille aujourd’hui à Montréal. Elle est représentée par les galeries Cooper Cole à Toronto, Downs & Ross à New York, Trépanier Baer à Calgary et par la Wilding Cran Gallery à Los Angeles.
Commissaire
Caroline Andrieux