Jamilah Sabur

Avec la série Mnemonic Alphabet, Sabur présente un abécédaire visuel minimaliste combinant des caractères en néon coloré à des images tirées de la nature ou d’activités humaines, jumelés côte à côte sur des panneaux monochromes. Illuminant chacune des œuvres, les mots « karst », « yangrong » et « metéōron » nous laissent perplexes sur la nature de ce qui nous est montré. Ils sont respectivement associés à l’image d’une sculpture de plâtre où apparait un motif rhombique ; à la vue d’une forêt karstique du pays Cockpit, au cœur de la Jamaïque ; et à la photographie d’un vieil appareil destiné à la collecte de micrométéorites. Le karst est une formation topographique résultant de la dissolution de roches sédimentaires telles que le calcaire, la dolomite et le gypse. Le terme mandarin « yangrong » est employé pour décrire les paysages karstiques chinois, et se traduit par « roches dissoutes ». Provenant du grec ancien, le mot « metéōron » signifie quant à lui « haut dans les airs ». Les photographies ne correspondent donc que vaguement au sens des énoncés renvoyés par les enseignes lumineuses, créant des décalages poétiques et des dissonances sémiotiques. Une lettre à la fois, l’artiste explore les limites du langage en pointant l’incapacité des mots et des images de circonscrire entièrement ce qu’ils visent à définir. Comme les strates accumulées dans une saillie rocheuse, ceux-ci contiennent une mémoire et une temporalité, ouvrant la porte à des interprétations changeantes et multiplesMnemonic Alphabet propose un nouveau langage planétaire où s’articulent des géographies alternatives.

Biographie

Jamilah Sabur (née à Saint Andrew, Jamaïque ; vit à Miami, États-Unis) s’intéresse à la géologie, à la géographie, à la mémoire et au langage. Elle puise dans ces thèmes pour explorer la nature temporaire du monde, s’attardant aux corps (géologiques, humains, océaniques, etc.) comme points de contact entre le passé, le présent et le futur. Ses œuvres, qui conjuguent performance, photographie, installation et vidéo, sont irriguées par l’histoire coloniale, les enjeux de migration et nos rapports à l’environnement. Ancré dans la notion d’existence, son travail sonde ce qui a disparu de notre champ de vision afin de faire émerger les histoires ensevelies.