«Tout part des trajets sur l'eau». Pierre Bourgault
Cet énoncé fait «acte» des expériences vertigineuses et jouissives que l'artiste Pierre Bourgault vit lors de ses randonnées sur l'immensité du fleuve St-Laurent. Tout part de cette extase, de cette transe, de cette quête d'infini, d'éternité et de vide pour celui qui fonde ses recherches artistiques sur la relation passionnelle qu'il nourrit avec son environnement à la surface de l'eau.
«Cette dérive en bateau rend davantage manifeste l'importance de la navigation inspirant démarche poétique in-situ, dessein conceptuel et finalement dessins et installations comme idée élargie de ce qu'est la sculpture chez Bourgault». Guy Sioui Durand
Cette relation fougueuse et féconde engendre une série d'œuvres mouvantes, en évolution constante, dont le thème central est la mémoire intrinsèque de cette communion avec la nature et l'observation de celle-ci; «sculptures habitables», cartes marines, repères cardinaux, œuvres sonores, et plus récemment sculptures abstraites. Ces éléments formalisent la mémoire corporelle et émotionnelle du trajet réel vécu sur le fleuve.
«Les travaux de Bourgault conservent un degré d'attente ou d'ouverture qui les remet sans cesse en rapport avec des réalisations antérieures ou potentielles, avec des projets utopiques tenaces dans l'imaginaire d'un artiste en perpétuel mouvement de pensée ou encore avec une vision «idéalisante» de la place que devrait occuper l'art dans le monde ». Louise Dery
Ses premières «sculptures habitables» ont été réalisées à la fin des années 60 et la plus populaire surplombe encore aujourd'hui l'océan. Érigée sur le territoire de l'artiste, elle fonctionne comme un habitacle de survie pour voyageur égaré. Évoquant un nouveau poste d'observation utopique, une «sculpture habitable» est édifiée ici sur des blocs de sel de mer, offrant cette fois-ci des points de vue sur les œuvres et ayant pour seul aménagement, un lit de camp suspendu dans le vide. Un établi est mis à la disposition des visiteurs à l'entrée de l'exposition afin qu'ils y sculptent leur propre bloc de sel. Renforçant le sentiment de précarité de l'artiste durant ses pérégrinations sur l'eau et de solitude face à son œuvre, Bourgault met le visiteur dans sa double position : l'observateur et le créateur.
Alors que Don Diego pilotait Carlos Castaneda à travers le désert pendant des semaines suivant la seule indication du vol des corneilles, Richard Long traçait une ligne droite en marchant répétitivement dans le paysage (A line by walking 1967), Pierre Bourgault spatialise le tracé aléatoire de ses expériences multisensorielles par des formes abstraites.
Ses cartes marines, forme d'écriture inconsciente et aléatoire, se dépouillent de leurs repères pour ne livrer plus qu'un dessin définitivement abstrait mais vivant. Bien que quelques éléments figuratifs dépouillés à l'extrême ponctuent parfois la dynamique de l'installation, le tracé prend forme et se déploie à la troisième dimension. Ces nouvelles œuvres de Pierre Bourgault témoignent de la migration progressive et radicale de l'artiste vers l'abstraction.
Caroline Andrieux
Pierre Bourgault
Né le 12 septembre 1942, à Saint-Jean-Port-Joli